Le droit à l'information est un pilier de l'institution du capitalisme, car même si le capitalisme crée ses propres idoles, il permet de s'affranchir de l'idole du pouvoir comme telle (laquelle retient l'information, et ment). Pour le meilleur et pour le pire, il libère à la fois l'individu vrai et l'individualisme (le culte de l'individu), la liberté de dire et l'obligation de tout dire (illusion de la "transparence"). Finalement il laisse le choix entre un faux "souci de soi" et le "souci de l'autre".
DROIT, Information, Capitalisme, Individu
DROIT, Individu, Démocratie, Discours
Le droit ne se réduit pas à un ensemble de règles organisant les rapports entre les membres du corps social et avec l’État : il a pour sens et pour fin l’individu. Il constitue un savoir qui, prenant acte de la finitude humaine, donne à chacun les conditions d’une autonomie véritable, par la grâce dans le droit civil et par l’élection dans le droit politique. Le droit progresse historiquement en fonction des régimes politiques, jusqu'à la démocratie représentative qui garantit au mieux la liberté individuelle. Elle correspond au principe libéral d’organisation ou d’équilibre des pouvoirs — législatif, exécutif et judiciaire —, chacun renvoyant à un discours fondamental du monde social : discours du clerc (fondé sur l'altérité), du maître (subjectivité réalisée) et du peuple (objectivité établie). Mais un quatrième discours, celui de l’individu affirmant l’identité, est décisif pour la démocratie : il assure que les sujets puissent, au-delà du simple droit abstrait, trouver socialement l’espace concret où exercer leurs droits, condition de la volonté générale et de l’individualité accomplie.
DROIT, Finitude, Savoir, Liberté
Le droit est le moyen que se donne l'Etat pour réaliser la justice et donc, autant que possible, réduire la violence parmi les hommes. Il est donc savoir de la finitude. Par son aspect savoir, le droit rationalise, pense et octroie les libertés (civiles et politiques) nécessaires à l'homme pour se réaliser comme individu ; sous l'angle de la finitude, il limite ces mêmes libertés, en se faisant droit pénal. Le savoir juridique porte sur les conditions qu'il faut donner à l'existant pour qu'il assume justement son existence, qu'il résiste à la tentation de la fuir (finitude radicale). Ces conditions sont, comme toujours, la grâce, l'élection et la foi. La grâce reconnaît en l'homme une volonté libre, "naturelle", et octroie des droits réels portant surtout sur les biens (comme la liberté de propriété). L'élection exige en outre que cette liberté soit justifiée, pensée collectivement : elle statue sur les personnes et octroie des droits politiques (comme la liberté d'enseignement...). La foi accorde finalement que ces droits doivent s'appliquer à tous, autrement dit elle les pose comme universels (c'est l'aspect cosmopolitique du droit). Mais constamment la finitude se rappelle au droit, le fait que les libertés sont régulièrement transgressées ou empêchées : le savoir porte alors sur les moyens répressifs et coercitifs pour rappeler à chacun son devoir de respecter les droits de tout autre, et les peines encourues s'il s'y refuse (ce qui revient toujours à refuser les conditions de sa propre autonomie, de sa propre existence d'homme libre.)
DROIT, Etat, Droit de propriété, Droit de suffrage
"L'Etat véritable suppose que toutes les conditions aient été données socialement à chacun pour accéder à son autonomie d'individu. Le droit est savoir de la finitude. Savoir des conditions que le fini doit recevoir pour atteindre la finitude essentielle. Mais le droit est établi dans l'Etat par la volonté qui institue l'Etat pour autant que cette volonté triomphe des résistances qu'elle rencontre, c'est-à-dire pour autant que cette volonté est pouvoir. Pourvoir qui est la volonté dans sa réalité. Mais le pouvoir peut être fondé ou sur la violence (répétition de la violence sacrificielle) - et alors la résistance provient positivement de l'exigence, légitime, d'autonomie réelle. Ou sur la grâce, qui libère l'autre et le met en position de reconstituer à partir de soi la loi à laquelle il est soumis - l'Etat véritable suppose donc l'autorité, comme vérité de la volonté, l'autorité en ce que la volonté, qui a produit l'œuvre apparaît comme devant et pouvant devenir celle de chacun. Ce qui tient à l'élection qu'elle porte en elle et communique."
JURANVILLE, 2015, LCEDL
DROIT, Etat, Internationalisation, Capitalisme
"L'institution du capitalisme se manifeste, dans le monde social, par l'internationalisation du droit - qui en est aussi l'accomplissement, puisque l'individu reçoit alors toute la place qu'il devrait recevoir... Avec l'Etat législatif toujours présent, l'Etat administratif gère l'économie en prenant des "mesures". Etat entrepreneur et Etat providence. L'institution du capitalisme débouche donc sur l'accomplissement tant de l'Etat tel qu'il avait été voulu par la philosophie, que du droit dans lequel l'Etat se déploie et qui consiste à donner à chacun toutes les conditions (sociales) pour devenir individu véritable. Ce que disant, nous nous opposons à Carl Schmitt et à sa thèse selon laquelle l'actuel Etat administratif serait idéalement "Etat totalitaire"."
JURANVILLE, 2015, LCEDL
JUSTICE, Lutte, Droit, Peuple
Ni le droit positif ni le droit naturel, considérés en eux-mêmes, ne suffisent à soutenir l'idée de justice, quand bien même l'on admettrait avec Adorno que "l'idée de droit naturel contient en elle, de façon critique, la non-vérité du droit positif". Il faut y ajouter la nécessité des luttes, sociales et politiques, qui s'opposent à toute violence de fait du droit positif, et qui légitiment seulement après-coup la référence à un droit naturel. C'est plutôt la lutte comme telle qui est juste, mais seulement quand elle s'affranchit de la violence populaire faisant cercle avec la violence des maîtres (donc quand elle s'affranchit aussi bien du discours du peuple que du discours du maître), et seulement quand elle accouche de droits nouveaux pour tous, autrement dit quand elle réalise un progrès effectif dans l'histoire.
LIBERTE D'ENSEIGNEMENT, Eglise, Raison, Christianisme, SAINT AUGUSTIN
L'institution de l'Eglise a promu la liberté d'enseignement car, comme le dit en substance Saint Augustin, les hommes doivent faire le bien (ce qu'enseigne le Christianisme) mais ils ne peuvent bien faire ce qu'ils ignorent. L'individu doit donc pouvoir reconstituer à partir de soi toute vérité révélée, et c'est ce que veut également le Christianisme. Sur le plan historique et institutionnel, il est nécessaire que la raison, capable d'affronter toute objection, confirme l'autorité de l'Eglise dans un espace reconnu comme laïc et autonome. A terme, on peut penser que la liberté d'enseignement conduira à poser comme telle, et à faire accepter par tous la vérité de toutes les grandes religions.
DROIT CANON, Eglise, Etat, Egalité
"Tel est le propre de l'Etat médiéval comme Etat des états, où l'Etat n'est qu'un état parmi d'autres, où un état, celui de la noblesse, détient le pouvoir d'Etat, tandis qu'un autre, celui du clergé, veut exercer son autorité sur l'Etat."
JURANVILLE, 2015, LCEDL
DOUTE, Vérité, Négation, Existence
"Avant même le savoir ordinaire auquel s’arrête le sujet social, il y a une vérité reconnue par ce sujet, une vérité qu’il a à s’approprier pour parvenir au savoir. Ce qu’il faut, c’est nier toute vérité à laquelle l’existant devrait se soumettre, et la nier au profit d’une vérité qui surgit et qui s’efface aussitôt, confiant à l’existant la tâche de la reconstituer, de la recréer. Ce qu’il faut par conséquent, c’est le doute, puisque négation et vérité définissent le doute."
JURANVILLE, HUCM, 2017
SUBSTANCE, Sens, Doute, Individu, DESCARTES, LACAN
DOUTE, Malin génie, Illusion, Grâce, DESCARTES
Si le doute méthodique conduisait Descartes jusqu'à l'évidence, apparemment indépassable, des vérités mathématiques, le doute hyperbolique remet en cause - provisoirement, avec l'hypothèse du Malin Génie - le primat de la raison au profit de la seule pensée, la pensée la plus pure et la plus libre, potentiellement la plus folle, mais aussi grosse d'une rationalité future, conduisant au savoir vrai. Car la pensée du Malin Génie, pur non-sens en elle-même, fait surgir la grâce chez celui qui la conçoit (un peu comme Socrate affirmant ne rien savoir, mais plus radicalement) : il se place en retrait, quasiment en position de déchet, pour mieux dévoiler la fausseté du "malin" qui croit pouvoir l'illusionner et le manipuler, ce que la psychanalyse appelle le Surmoi, symbole de tous les maitres et faux dieux prétendant régner sur les esprits et sur le monde.
DOUTE, Cause, Désir, Savoir, DESCARTES
C'est avec le doute radical que l'on passe d’un savoir cosmologique potentiel, tourné vers la substance, à un savoir réel centré sur la cause, où Dieu est reconnu comme cause première. L'enjeu étant que ce savoir réel trouve son principe, il faut une preuve de l’existence de Dieu. Or cette preuve ne peut plus être l’argument ontologique, purement formel : elle doit être la première (puis la seconde) preuve par les effets, dans une démarche incluant le doute, mais au-delà de sa simple dimension de refus, comme désir : « Comment serait-il possible que je puisse connaître que je doute et que je désire — c’est-à-dire qu’il me manque quelque chose et que je ne suis pas parfait — si je n’avais en moi aucune idée d’un être plus parfait que le mien ? » (Troisième Méditation, §23). La cause est l’identité originaire à partir de quoi tout ce qui existe pour nous a commencé d’exister. La cause véritable est donc créatrice — en dernier ressort, c’est toujours Dieu lui-même. Chez Descartes, c’est encore l’idée de Dieu en moi, grâce divine, qui déploie le savoir par la libre volonté, à travers les contradictions de la finitude humaine. De ce mouvement naît un nouveau savoir, reconstruit dans sa réalité et doté d’objectivité. Cette objectivité s’exprime dans le langage — non plus pris comme simple proposition, mais comme articulation de propositions. Cela correspond, chez Kant, au jugement hypothétique parmi les jugements de relation, et à la catégorie de la cause. Quant au savoir philosophique qui en résulte, dégagé dans sa nécessité, il possède encore sa propre objectivité, que manifeste le langage pris cette fois comme système de toutes les propositions : un système où, d’une part, toutes les propositions sont produites par un même principe, et où, d’autre part, chacune peut devenir principe pour toutes les autres. Cela correspond, chez Kant, au jugement disjonctif et à la catégorie de la communauté. La communauté véritable est ainsi fondamentalement religieuse : elle est ordonnée par la loi du vrai Dieu, cause première, grâce à laquelle les êtres finis accèdent à leur autonomie de substances individuelles.
DON, Symbole, Consistance, Imaginaire
Le don n'est pas de l'ordre de l'avoir. Avant de répondre à un besoin, par exemple économique, le don possède une valeur symbolique, l'objet donné se fait symbole de la consistance d'un monde pour l'Autre. En tant que symbolique le don s'opère à la place d'un Autre, en faveur d'un Autre que l'on considère comme capable à son tour de donner. Or même si l'objet donné a valeur de symbole, cette plénitude envisagée du don est ce qui caractérise l'imaginaire en tant que ce qui est visé, anticipé, est la consistance d'un monde.
DON, Oeuvre, Esprit, Sens
L'objet par excellence du don, que l'on ne peut chercher à posséder puisqu'il est symbolique, est l'oeuvre. Ce don s'effectue par l'écriture en général, qui revient littéralement à croire en l'Autre, à projeter imaginairement le don de l'Autre comme à-venir. Dans l'oeuvre se projette la consistance imaginaire d'un sens, porté par l'articulation symbolique ou littérale. Le symbole est alors ce qui supporte le sens, lequel anime en retour le symbole, le spiritualise. C'est toujours l'esprit qui allume la flamme du don, avant que l'oeuvre ne le réalise.
DON, Finitude, Liberté, Jouissance
La finitude de l'homme tient dans sa capacité limitée de donner, à tirer de soi du symbolique, jusqu'à faire oeuvre. Laquelle oeuvre vient à fixer - pour l'éternité - l'épreuve de souffrance qu'il aura fallu traverser pour ce faire. Mais l'interruption du don chez l'humain n'est pas une fatalité, pas plus que n'est sa propension inverse à la jouissance, elle résulte de la liberté finie qui conduit à choisir le don ou bien la jouissance. Quant à la possibilité toujours offerte à l'homme de choisir le don, elle résulte précisément de l'infinité du don divin, qui lui ne s'interrompt jamais.
SACRIFICE, Dieu, Fils, Spiritualité
Qu'est-ce qui permettra à chaque individu de se considérer dans son essentielle autonomie, en reconstituant pour lui le sens rationnel de la création par Dieu le Père ? Autrement dit, comment passer de l'objectivité à la subjectivité du Dieu de la Révélation, ce Fils qui a dû subir le sacrifice ultime pour mieux le dénoncer et en délivrer les hommes ? C'est justement ce Sacrifice du Fils - vécu dans la Passion en tant qu'homme, mais jusque dans la Résurrection en tant que Dieu - qui révèle aux hommes leur nature spirituelle malgré la finitude - spiritualité assumant et pardonnant la finitude. Et cependant le Fils n'engage pas les hommes à l'imiter dans la perpétuation rituelle du Sacrifice - ce serait revenir à la barbarie et au paganisme - seulement à en recueillir le sens spirituel.
SACRE, Dieu, Raison, Spiritualité
"Cet absolu réapparaitra, par rapport à l'ordinaire totalité de relations, comme liberté et, pour autant qu'il est en soi raison, comme liberté allant jusqu'au savoir d'elle-même, comme spiritualité. Et, puisqu'il réapparaîtra ainsi aux yeux de l'homme qu'il appelle à assumer sa finitude il réapparaitra comme assumant à l'avance cette finitude de l'homme, il réapparaitra dans la réalité, qui est être et finitude. Il réapparaitra donc comme le sacré, puisque spiritualité et réalité définissent le sacré qui est ainsi l'objectivité du dieu, ce qu'il est en lui-même dès l'origine et dans quoi, pour l'homme, il s'accomplit. Pour cet homme auquel il dispense toutes les conditions de l'autonomie, il sera Dieu le Père, le principe de la Création."
JURANVILLE, PHER, 2019