DEFI, Absolu, Hystérie, Désespoir

Le défi est une manifestation du désespoir dirigée contre l'absolu faux, mais sous deux formes. D'un côté défi à l'absolu vrai pour l'accuser de s'être transformé en usurpateur injuste et violent, et ainsi l'amener à se (re)manifester comme vrai, tout en sachant qu'il ne cédera jamais devant pareille provocation - c'est le défi diabolique tentant de faire souffrir le Dieu bon et vrai (ou encore défi de Don Juan au Commandeur en tant que vrai père). D'un autre côté, défi à l’ordre commun sacrificiel qui l'on sait injuste et faux, non pour le combattre mais pour l'amener à se manifester et donc se dénoncer comme tel - c'est le défi hystérique, par exemple le défi de Sganarelle à son maître Don Juan. Certes la pensée de l'existence dénonce ce double défi hystérico-diabolique, puisqu'il s'en tient à l'Autre absolu faux, mais sans vouloir elle-même porter le défi essentiel jusqu'à l'objectivité - n'est-pas alors s'en tenir au désespoir ?


"Ce par quoi se donne le désespoir, et qui le montre déjà comme amenant jusqu’à la position objective de l’absolu vrai, est le défi. Défi à l’absolu faux, non pas directement, puisque cet absolu est alors ramené à son néant, mais indirectement, sous deux formes. D’une part défi à l’absolu vrai, pour autant que le fini tend à le réduire à l’absolu faux, et que le défier, c’est l’appeler à se manifester comme l’absolu vrai qu’il est, et être certain qu’il se manifestera ainsi. D’autre part défi au monde social commun, pour autant que, par la superstition et, finalement, par le sacrifice, ce monde donne réalité à l’absolu faux... Ce défi hystérico-diabolique, la pensée de l’existence le dénonce. Contre l’absolu faux qu’il invente, elle pose la finitude radicale et ce qu’il en est de l’absolu vrai. Mais la pensée de l’existence refuse de montrer le défi essentiel comme pouvant aller jusqu’à l’objectivité. Et n’est-ce pas alors répéter le défi hystérique au maître, puisqu’elle affirme la finitude face à un ordre social qui demeure intouché ? N’est-ce pas désespérer, à tort, de l’objectivité ?"
JURANVILLE, ALTER, 2000

DECONSTRUCTION, Messianisme, Finitude, Avènement, DERRIDA

La déconstruction derridienne prend pour cible toute identité déjà là ou supposée originaire, lui opposant le jeu de la différence et la finitude radicale, dans la perspective d'une identité nouvelle et ouverte - à et par l'Autre - assimilée au "messianique". Mais celui-ci, Derrida exclut qu'il soit posé dans quelque discours devenant un savoir de la Bonne Nouvelle, ou qu'il soit assigné à quelque Messie venant accomplir la Promesse.


"Déconstruction commandée par des spectres qui nous habitent (et nous déconstruisent) et qui sont des figures de l'Autre faux (Surmoi…). Mais déconstruction qui s'opère dans la perspective de "l'indéconstructible justice", d'une "affirmation", d'une "appropriation" (de la finitude radicale), et donc d'une identité nouvelle et vraie que Derrida présente comme le "messianique" : une vue nouvelle serait alors possible dans l'accueil de l'autre homme, dans l'hospitalité à lui offerte."
JURANVILLE, 2015, LCEDL